Lorsque être albinos devient une revanche

Article : Lorsque être albinos devient une revanche
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22 mai 2020

Lorsque être albinos devient une revanche

Adrienne Ntankeu, styliste et mannequin camerounaise s’est engagée pour « changer les mentalités et dire aux ignorants qu’être albinos n’est pas une tare »

Aurore: Votre combat vise les albinos de tous les horizons en général et lesquels en particulier ?

Adrienne Ntankeu: Je me bats pour toutes les personnes atteintes albinisme du monde et plus particulièrement ceux d’Afrique. Ces albinos qui sont nos frères et sœurs sont discriminés et rejetés et même pourchassés et tués pour des rituels de sorcellerie dans des pays tels que le Malawi et la Tanzanie.  Ils ont également un accès difficile à l’éducation car étant malvoyants ; s’ils font face à des éducateurs insensibles leur parcours scolaire devient chaotique.

Albinos, et alors?

Y’a-t-il une anecdote, ou un fait particulier qui vous a mené à cette lutte et à créer ANIDA ?

J’ai créé cette association car étant séparée de mes parents à l’âge de 5 ans et maltraité par ma famille africaine en France. Je connais très bien la réalité des albinos d’Afrique. J’ai toujours pensé qu’en ayant des moyens dans ma vie, je monterai une association pour aider d’autres albinos afin qu’ils aient une vie différente de celle que j’ai eue.

Comment parvenez-vous à leur venir en aide en étant basée en France ?

L’association intervient dans des pays tels que le Cameroun, le Sénégal, le Mali et le Congo. Cette année nous irons au Togo. Chaque année nous intervenons dans ces pays. J’apporte ma contribution pour informer et changer le regard sur l’albinisme universellement. D’ici, nous collectons des cosmétiques de protection et d’hygiène quotidienne et des casquettes et organisons des expositions sur l’albinisme, des shows cases after work, des défilés de mode avec d’autres partenaires associatifs afin de sensibiliser et collecter des fonds.

« Je vis très bien mon albinisme »

Nous faisons des interviews radios et Tv afin de faire connaitre l’albinisme. Nous organisons de multiples campagnes de sensibilisation.

Mais pourquoi n’intervenez-vous pas dans les pays tels que le Malawi ou la Tanzanie où , comme vous le dites, la situation des albinos est encore plus critique?

Actuellement il m’est plus facile d’intervenir dans les pays francophones. Les échanges y sont faciles et notre intervention y est fortement réclamée. Mais aussi parce-que les autorités facilitent notre venue par une bonne prise en charge et par un soutien financier, matériel et logistique.

Et en France comment se vit l’albinisme ?

Ici, les personnes albinos instruites et issues de famille de parents qui s’en occupent, arrivent à s’en sortir. Je vis très bien mon albinisme, je suis intégrée avec trois enfants et un compagnon. La société occidentale nous prends socialement en charge et nous regarde plus par curiosité qu’autre chose. Ce, contrairement aux africains qui nous regardent mal et auxquels notre sort importe peu.  

Et au Cameroun votre pays d’origine comme le vivez-vous ?

Je ne sais pas comment j’y suis perçue et en plus, ne me définissant pas comme Camerounaise mais comme citoyenne du monde et enfant du cosmos

Pouvez-vous dire qu’avec votre association vous parvenez à changer les choses ?

Sans prétention de le dire. Mais les programmes de communication et de sensibilisation ainsi que toutes les activités organisées arrivent à avoir de l’écho. Les médias nous sollicitent et nous soutiennent. Des associations prennent des initiatives dans lesquelles elles intègrent l’albinisme. Je reçois également des retours positifs des défilés que j’organise ainsi que les expositions photos.

« être malvoyante … c’est mon seul regret »

Quelle est votre plus grande fierté aujourd’hui ?

Mes 3 enfants sont ma plus grande fierté. Malgré la souffrance et la maltraitance par les miens j’ai pu les élever et les sécuriser. Je leur donne cet amour que personne n’a su me donné dans mon enfance et mon adolescence. J’ai toujours voulu avoir une vie normale et devenir styliste. Ainsi, j’ai créé ma première collection dénommée « Freedom » en 2018.

Adrienne Tankeu , albinos et fière

Devenue mannequin et modèle photo en 2012 et je gagne ma vie grâce à ce que je suis.  L’albinisme c’est ma belle revanche.

Que changerez-vous et jamais à votre situation ?

Je voudrais ne pas être malvoyante. Car, nous sommes vulnérables à cause de ce handicap. C’est d’ailleurs à cause de cela que certains adultes et enfants sont facilement kidnappés. Ils ne parviennent pas à voir leurs agresseurs, regarder un tableau ou même les pancartes dans la rue. Ne pas voir mieux c’est mon seul regret. En outre, je ne changerais pour rien au monde mon albinisme je suis tres fière d’être comme je suis. Je suis la magnificence du cosmos et pour rien au monde je ne voudrais changer

Quel conseil donneriez-vous à vos pairs ?

De s’aimer et d’aimer son prochain. Le monde va mal et les humains ne veulent pas s’aimer. Je vous souhaite la paix et l’amour dans votre vie à vous et votre entourage.

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