Gorée, l’île enfer désormais paradisiaque
Contrairement à ce qui semble l’être pour les touristes très souriants en visite aujourd’hui et s’amusant sous un air de bonheur, l’île de Gorée n’est pas un paradis mais un symbole de douleur qui ne devrait éveiller les consciences. Je suis d’accord qu’elle serve à l’éducation, la science et la culture des masses sur ce passé douloureux de nos ancêtres tel que prévu par l’UNESCO.
Lors de cette visite, je rate l’occasion d’ interroger les visiteurs sur l’objet de leurs sourires à tort et à travers. Le mien en tout cas est dû à une sorte de connexion que j’établie ici ceux qui y ont souffert. Mon cœur serré pendant l’exploration du paysage paisible de Gorée, atteste de ma compassion. C’est au moins une consolation.
Parce-que que « rester c’est exister, et voyager c’est vivre » (Gustave.N), je vit une expérience incroyable au Sénégal. Pays de la téranga (hospitalité en wolof), véritable nid de sites touristiques aussi merveilleux les uns que les autres. Entre autres, l’île de Gorée et sa maison d’esclaves.
Comment quitter le pays de Léopold Sedar Senghor sans faire un tour au vestige de la plus grande honte humaine ?
Départ
Le trajet de moins de 20 minutes de Dakar à Gorée se fait en chaloupe d’une centaine de place. Une grande première pour moi. Hors de question de ne pas profiter de l’incroyable vue maritime qu’offre cette traversée. Avec un smartphone, qui peut manquer de prendre des selfies sur tous les angles. J’en profite! Le vent frais me fait oublier le ciel brûlant de Dakar. Cependant si vous suivez mon exemple faites bien attention à ne pas perdre la main au risque d’apprécier la plongée de votre portable dans les profondeurs de l’eau. Un arsenal de secouristes ne peux pas vous aider pas dans ce cas là !
Concernant la belle vue, celle de l’ile de Gorée au loin, c’est un régal pour l’objectif. Sur la plage, se baignent hommes, femmes et enfants sous un air de paradis. Leur gaieté semble donner un aperçu du goût de vivre de ce côté du pays où beaucoup ont souffert le martyr. J’ai regrette presque en les apercevant d’avoir voyagé sans maillot de bain. Je ne manquerai sans doute pas une prochaine occasion .
Mais il faut avouer qu’ici la maison des esclaves dont j’entends sans cesse parler est ma priorité. Oui la maison rose, un patrimoine mondial datant de 1776, controversée sur son rôle historique dans la traite négrière. D’aucuns racontent et ont raconté qu’elle n’a joué aucun rôle dans la traite, mais je peux dire que ce qui s’y trouve trompe peu.
Pieds sur terre
La balade sur les 18,2 Hectares de l’île de Gorée se fait à pied. Bien sûre à quoi servirait un taxi ou une voiture par ici ? Moi qui n’aime pas beaucoup la marche le moindre caillou sur lequel se heurte mon pied fait l’objet de mystère.
En empruntant la voix habituelle, indiquée par les guides touristiques, impossible d’éviter le monument commémorant la libération de l’esclavage. Il s’agit d’une magnifique statuette d’un homme noir qui brise des chaînes, enlacé par une femme de même couleur. Elle a été réalisée par deux sculpteurs frères guadeloupéens Jean et Christian Moisa dans « l’espoir qu’elle soit la statue de l’abolition de l’esclavage, pour laisser une trace et ne pas oublier cette tragédie » a confié l’un des frères à Lemonde.fr. Une pure beauté rapprochée d’un magnifique jardin de fleurs.
En découvrant ce monument j’ai de plus en plus hâte de découvrir la célèbre maison des esclaves. Mon envie se réalise très vite. Un monde fou ce jour-là est présent. Il fait très chaud et moi j’ai simplement soif de scruter de fond en comble cet espace autrefois important dans la saleté humaine.
Intérieur de la maison rose
Certains diront de petites prisons pour faire bien, mais pour ce lieu qui n’a fait aucun bien à nos ancêtres je voit juste des cages. Oui, la maison rose est un constituant de cages où était enfermés les esclaves prêts pour la déportation vers des cieux inconnus.
Des petits espaces où même le plus petit chien du monde s’ennuierait. Les fenêtres y sont de petits carrés barrés de bois. Sans doutes les esclaves s’assaillaient à même le sol, sur le sable, collés les uns aux autres. Des petites plaques à l’entrée de chaque enclos indiquent qu’ils y étaient enfermés.
L’autre horreur qui me choque en ce lieu c’est une espèce de mitard dégueulasse. Difficile de s’y enfermer même pour quelques secondes. Pourtant, il servait de réclusion pour les esclaves récalcitrants, selon le guide touristique.
Après la visite de ces horreurs du sous-sol de la maison rose, je suis suffisamment dérangée. Vaut mieux monter les marches qui mènent à la salle d’exposition de quelques vestiges bien scellés derrière du verre. Entre autres les chaines des esclaves, les fusils de chasse et quelques bricoles. Des plateformes d’écritures y retracent la douloureuse histoire de nos ancêtres de ce côté.
Fin de cap
Mission accomplie. Une fois, ma visite terminée je ne peux décrire les sentiments qui m’animent. Je peux dire que je déçue du peu d’éléments d’exposition, témoins du crime humain. Je suis également très en colère car j’imagine toujours ce qu’ont vécu nos aïeux, la douleur et l’humiliation dont ils ont été victimes.
Pendant quelques minutes, je suis énervée de voir la multitude d’européens blancs se pavanant avec leurs appareils photos et grands sourires comme des pirates ayant découvert le village aux trésors. « Qu’est-ce qu’ils viennent faire ici ? Qu’est ce qui justifie leur joie? Ils éprouvent la fierté ou la honte de ce que leurs ancêtres ont infligé aux nôtres ? Se sentent-ils supérieurs ? ».
Ma meilleure amie près de moi écoute mes interrogations, mais elle sait que je n’attend pas de réponses. Je ne suis pas ravie de leurs sourires mais je me ressaisie. De toute les façons à quoi servirait une colère? Je ne vais pas engager une bagarre ici! Ai-je des cotes solides pour celà? Et puis, étaient t-ils nés à l’époque? Alors quoi? Je range mon appareil photo et je me réjouis de ce périple dont je parlerai également autant qu’on m’en a parlé.
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